Le nucléaire français sous emprise russe

publié le 12 mars 2023

Alors que les pro nucléaires ne cessent de mettre en avant la soi disant souveraineté énergétique française comme avantage du nucléaire, le rapport extrêmement complet et détaillé que Greenpeace France a publié aujourd’hui est un parfait exemple du contraire.
Il montre les liens entre l’industrie nucléaire française et l’entreprise nucléaire russe Rosatom, et démontre que la France est pieds et poings liés à la Russie : en 2022, 43% provenait du Kazakhstan (23%) et d’Ouzbékistan (20%), des pays sous contrôle Russe (Le Kazakhstan est lié à la Russie par une organisation d’assistance militaire mutuelle et a adopté une position de neutralité par rapport au conflit en Ukraine)
Alors qu’Emmanuel Macron exhortait en août 2022 la communauté internationale à n’avoir “aucune faiblesse, aucun esprit de compromission” face à la Russie et appelant les Français à accepter de payer le “prix de la liberté” pour l’Ukraine, la France continue à importer massivement du combustible nucléaire en provenance de Russie. Manifestement concernant le nucléaire, l’esprit de compromission avec la Russie de Poutine existe.

Malgré le début de la guerre en Ukraine il y a plus d’un an, la France n’a pas stoppé son commerce nucléaire avec la Russie, bien au contraire. Au-delà de l’uranium naturel, la France a quasiment triplé ses importations d’uranium enrichi russe : 

  • En 2022, la Russie a livré un tiers de l’uranium enrichi nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires françaises pendant un an.
  • Toujours en 2022, l’intégralité des exportations françaises d’uranium de retraitement (URT) ont été envoyées en Russie, et l’intégralité des importations d’uranium ré-enrichi (URE) en France provenaient de la Russie, qui possède la seule installation au monde capable de transformer l’URT.

“L’opacité cultivée par l’industrie nucléaire française et l’État français est une tentative de masquer la dépendance de la France à des pays comme la Russie. Ce rapport, qui vient appuyer nos observations de livraisons d’uranium par des cargos russes en pleine guerre en Ukraine, met en lumière l’ampleur de la dépendance de l’industrie nucléaire française à Rosatom sur tout le commerce d’uranium, y compris l’uranium naturel. La construction de nouveaux réacteurs nucléaires, actuellement en débat, ne garantirait en aucun cas la souveraineté énergétique, car elle maintiendrait la France dépendante des pays fournisseurs d’uranium comme la Russie”, déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Nucléaire à Greenpeace France.

Un oligarque Russe dont une des sociétés transporte l’uranium, et qui fournit l’acier pour les armes russes ne fait pas partie des personnes sanctionnées par l’UE

L’oligarque russe, Vladimir Sergeyevich Lisin, qui est parmi les plus riches de Russie (18 milliards de dollars) et très proche de Poutine, possède entre autre la compagnie maritime North-Western Shipping Company qui sert au transport de l’uranium notamment de Saint-Pétersbourg à Dunkerque (voir page 44 du rapport de Greenpeace), à des dates postérieures à l’invasion de l’Ukraine.
Par ailleurs sa société Novolipetsk Steel (NLMK) a fourni de l’acier à plusieurs fabricants d’armes russes dont les activités comprennent le développement de missiles balistiques et de drones furtifs.
Pourquoi ce personnage ne fait pas partie de la liste des personnes sanctionnées ?
La question avait été posée le 17/10/2022 par le député européen Andrius Kubilius au parlement (voir question en anglais ici) :

Actuellement, 1 236 personnes figurent sur la liste des sanctions de l’UE. La liste ne comprend pas Vladimir Sergeyevich Lisin, qui est le patron et principal actionnaire du groupe sidérurgique russe NLMK ; est l’un des hommes les plus riches de Russie; et est très proche de Vladimir Poutine.

Le Conseil peut-il expliquer pourquoi Lisin ne figure pas sur la liste des oligarques sanctionnés par l’UE?

et la réponse le 22/02/2023, 4 mois après, (en anglais ici) laisse pantois, mais la vraie réponse est plutôt à chercher du coté de ses intérêts économiques en Europe (dont une usine à Strasbourg)  et aux Etats-Unis , qui explique la “clémence” dont il béneficie :

“En ce qui concerne l’éventuelle inscription de M. Vladimir Sergueïevitch Lisine sur la liste des sanctions de l’UE contre la Russie, le Conseil n’a pas pris position sur la question.”

Par son commerce de l’uranium, la France contribue donc à financer la guerre de la Russie contre l’Ukraine : l’uranium enrichi importé et l’uranium de retraitement (URT) envoyés (voir dossier ici) échappant à l’interdiction de commerce avec la Russie, ce qui démontre en plus la dépendance énergétique de notre pays avec le nucléaire.

Par son commerce de l’uranium avec la Russie, la France est également coupable d’un désastre environnemental : L’état français est tout à fait au courant de la vétusté des installations et du laxisme en matière de sécurité dans les mines kazakhs (accidents de mines fréquents), et également du désastre écologique que représente cette extraction : utilisation de la méthode “lixiviation in situ” qui consiste à injecter dans des forages de l’acide sulfurique qui est ensuite re-pompé à la surface. Elle laisse d’abondants déchets radioactifs et épuise rapidement les sols. Il faut alors forer un peu plus loin, le procédé laisse des concentrations toxiques de métaux lourds dans les nappes phréatiques. Cette pollution persistera pendant des milliers d’années, la faune et la flore des steppes sont contaminées, et l’avenir des quelques populations nomades qui vivent encore dans ces régions est menacé. Et ces extractions ne sont pas pris en compte à leur juste mesure (voire pas du tout) dans les calculs d’émission de CO2 que vantent tant les pronucléaires ! Pourtant le cycle de vie du parc nucléaire Français part bien de l’extraction de l’uranium naturel  jusqu’à son utilisation comme combustible nucléaire, en passant par le transport de l’uranium traité et de l’uranium de retraitement (URT – uranium issu des combustibles usés des réacteurs nucléaires) intégralement retraités en Russie. Les chiffres d’émission de co2 par le nucléaire vanté par EDF, Orano et le gouvernement sont ainsi clairement à revoir à la hausse !

Voir également sur le sujet de la dépendance énergétique du nucléaire l’article  “Nucléaire : fausse indépendance énergétique” d’avril 2022.

Sur l’extraction de l’uranium au Niger : https://www.cairn.info/revue-z-2020-1-page-188.htm

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