Ukraine : risques sur les centrales nucléaires

publié le 02 mars 2022 mis à jour le 27 mars 2022

Parc nucléaire de l'Ukraine

source : irsn

En Ukraine, il y a 15 réacteurs répartis dans 4 centrales nucléaires en activité :

  • Zaporizhzhya – en ukrainien Центральне Запоріжжя, Tsentralʹne Zaporizhzhya – (6 réacteurs), la plus grande centrale nucléaire en Europe est située dans le sud-est du pays et dotée d’une puissance cumulée de 5 700 MW. Sur le site se trouve également six piscines de refroidissement contenant près de 900 tonnes de combustible usé hautement radioactif, ainsi que près de 1400 tonnes en stockage à sec (chiffres 2017).
    Incidents :
    • Le 3 décembre 2014, les autorités ukrainiennes annoncent qu’un court-circuit, suivi de l’incendie d’un transformateur du réacteur no 3 a mis le 28 novembre 2014 la centrale en arrêt automatique, privant d’électricité la proche région. Cet incident intervient dans le pays qui a connu la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et dans un contexte politique instable, alors qu’une crise énergétique menace (une partie du bassin houiller du Donbass est passé sous contrôle d’une rébellion prorusse, limitant les capacités des centrales thermiques ukrainiennes).
    • maj le 4 mars 2022 : la centrale nucléaire de Zaporizhzhya a été touché dans la nuit de jeudi à vendredi par des missiles tirés par des tanks russes. Dans un premier temps, les forces russes ont empêché les secours ukrainiens de maitriser les incendies provoqués par ces ces tirs, avant qu’ils puissent intervenir à l’aube. C’est la première fois dans l’histoire qu’un pays cible ainsi volontairement des centrales nucléaires.
  • Rovno – en ukrainien Рівська електростанція, Rivsʹka elektrostantsiya – (4 réacteurs), dans le nord-ouest du pays, d’une puissance cumulée de 2 657 MW
    Incidents :
    • En janvier 2004, un réacteur a été arrêté à la suite d’un incendie dans un transformateur.
    • Le 14 décembre 2005, le réacteur n°4 a été arrêté en raison d’un court-circuit dans la salle des machines.
    • En juin 2008, une fuite d’eau radioactive a provoqué l’arrêt d’un réacteur à la centrale nucléaire de Rivné.
    • Le 14 juin 2012, le réacteur n°3 a été arrêté après une alerte dans le système de turbines. Les autorités ukrainiennes ont assuré qu’il s’agissait d’une fausse alerte et qu’aucune fuite radioactive n’avait été détectée. L’exploitant Energoatom a précisé que lors d’une vérification du système de protection des pompes d’alimentation, elles se sont débranchées. Conformément à la réglementation technologique, le personnel a arrêté le réacteur.
  • Konstantinoska  – en ukrainien : Півде́нно-Украї́нська Атомна електростанція, Pivdenno-Oukraïnska Atomna Elektrostantsiia – (3 réacteurs), dans le sud-ouest du pays, d’une puissance cumulée de 2 850 MW
    Incidents :
    • En 1991, la centrale enregistre le plus grand nombre d’arrêts inopinés de réacteurs nucléaires en Ukraine.
    • En septembre 1992, une erreur de manutention conduit à un défaut de ventilation de vapeur, incident classé au niveau 2 de l’échelle INES
    • En avril 1994 est découvert un défaut dans le système de sécurité des générateurs de vapeurs pendant un contrôle de routine, incident de niveau 2.
    • En décembre 1995, de l’eau radioactive fuit d’un tuyau sur le sol de la central et contamine une surface de 30 mètres carrés, la fuite est découverte un mois plus tard
    • Le 17 avril 2012, l’un des réacteurs a été arrêté après une panne électrique affectant son transformateur. La dégradation du transformateur principal du réacteur n°2 a entraîné la rupture d’une ligne à haute tension, ce qui a provoqué l’enclenchement du système d’arrêt d’urgence du réacteur, a expliqué le ministère des Situations d’urgence dans un communiqué
  • Khmelnitski – en ukrainien Хмельницька атомна електростанція, Khmelʹnytsʹka atomna elektrostantsiya (2 réacteurs), dans l’ouest du pays, d’une puissance cumulée de 1 900 MW. Et dans cette centrale, deux autres réacteurs sont en projet.

Toutes ces centrales misent en service dans les années 80 arrivent en fin de vie.

A ces centrales en activité, s’ajoute le site de Tchernobyl, site de la pire catastrophe nucléaire de l’histoire survenu le 24 avril 1986, et et ses 20.000 m3 de déchets nucléaires liquides et solides entreposés.
Le site de tchernobyl est soumis à une zone d’exclusion de 2 200 km² dans le nord de l’Ukraine et de 2 600 km² dans le sud de la Biélorussie. Malgré cela,  5 millions de personnes vivent toujours dans des zones officiellement reconnues comme contaminées en Ukraine, en Biélorussie et en Russie.
Roland Desbordes, porte-parole de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), décrit le site comme « un immense entreposage de déchets nucléaires ». « Certains ont été enterrés à la va-vite à proximité, si bien que des éléments radioactifs peuvent être facilement remis en suspension »

Ce parc nucléaire fait de l’Ukraine le 8ème pays nucléarisé dans le monde.

Risque de nouvelles catastrophes nucléaires

Outre les dangers inhérents aux centrales nucléaires, cette invasion russe expose les réacteurs ukrainiens à des dommages pouvant déboucher sur une nouvelle catastrophe nucléaire.
Comme le dit Greenpeace : “Alors que le réseau électrique est actuellement perturbé dans le pays, la stabilité des réacteurs et des piscines de stockage des combustibles usés est dépendante du bon fonctionnement des systèmes de refroidissement électriques. À cela, s’ajoute le risque d’accidents graves dans les unités opérationnelles, dus à des attaques directes, à un problème sur les générateurs diesels d’urgence de refroidissement en cas de panne électrique, à des problèmes de personnel et à des problèmes techniques, ou à une combinaison de ces éléments. Les conséquences de ce conflit pourraient être désastreuses, bien au-delà de l’impact de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.

A cela il faut ajouter le stress que doivent subir les travailleurs travaillant dans ces centrales et qui peut conduire à des erreurs pouvant avoir des conséquences dramatiques.

La situation au 2 mars 2022

  • Le site de Tchernobyl est passé sous contrôle russe le jeudi 24 février en cours de soirée après des combats meurtriers. Dans la journée des combats avaient lieu près du dépôt des déchets nucléaires du site.

Soldat russe à la centrale nucléaire de Tchernobyl après la prise de la zone de Tchernobyl par les troupes russes. 26/02/2022 – source : www.radiosvoboda.org

Le centre pour la sécurité nucléaire ukrainien a enregistré une hausse des niveaux de radiation : 21 voyants sont passé au rouge, sur la cinquantaine de balises automatiques que compte la zone d’exclusion côté ukrainien (la zone d’exclusion représente 2 200 km² dans le nord de l’Ukraine et 2 600 km² dans le sud de la Biélorussie)
Dans l’enceinte de la centrale, quatre des six capteurs ont enregistré un dépassement des taux limites. 
Les raisons de ces alertes pourraient être des fuites causées par des bombardements, sur les zones de stockage de déchets par exemple ou une propagation de la contamination dans l’air, causée par le passage des chars militaires.
L’occupation russe et les combats dans cette zone empêchent d’en savoir plus.

  • centrale nucléaire de Zaporizhzhia :
    Trois réacteurs fonctionnent actuellement et les trois autres ont été arrêtés depuis le début de la guerre.
    Samedi 26 février 2022, deux jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les troupes russes s’approchent de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhia et ont pointé leurs roquettes sur le site, selon Vadym Denysenko, conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur.
    Les forces d’invasion russe ont pris le contrôle le 2 mars du territoire autour de la centrale.
    Des citoyens Ukrainiens forment une chaîne humaine pour protéger la centrale (source : le Parisien 2/3/2022)
    [ maj le 4 mars 2022 : la centrale nucléaire de Zaporizhzhya a été touché dans la nuit de jeudi à vendredi par des missiles tirés par des tanks russes. Dans un premier temps, les forces russes ont empêché les secours ukrainiens de maitriser les incendies provoqués par ces ces tirs, avant qu’ils puissent intervenir à l’aube. C’est la première fois dans l’histoire qu’un pays cible ainsi volontairement des centrales nucléaires. ]
Centrale nucléaire de Zaporizhzhia - Ukraine

Un excellent rapport de GreenPeace à consulter :
La vulnérabilité des centrales nucléaires lors de conflits militaires – Parallèle avec Fukushima Daiichi – Focus sur Zaporizhzhia, Ukraine
L’auteur du rapport de greenpeace est très inquiet : « un risque nucléaire exceptionnel vient s’ajouter aux terribles événements de ces derniers jours. Pour la première fois dans l’Histoire, une guerre de haute intensité se déroule dans un pays possédant de multiples réacteurs nucléaires et des milliers de tonnes de combustible usé hautement radioactif. Les manœuvres militaires autour de la centrale de Zaporizhzhia accroissent le risque d’un accident grave. Tant que cette guerre continue, la menace militaire sur les centrales nucléaires ukrainiennes demeurera. C’est une raison supplémentaire, parmi tant d’autres, pour laquelle Vladimir Poutine doit cesser immédiatement sa guerre en Ukraine. »

S’il peut apparaitre comme inconcevable que Poutine fasse des centrales nucléaires en activité des cibles (…?…)
[ maj le 4 mars 2022 : depuis le 4 mars, ce n’est plus inconcevable : la centrale nucléaire de Zaporizhzhya a été ciblé volontairement et touché dans la nuit de jeudi à vendredi par des missiles tirés par des tanks russes. Dans un premier temps, les forces russes ont empêché les secours ukrainiens de maitriser les incendies provoqués par ces ces tirs, avant qu’ils puissent intervenir à l’aube. C’est la première fois dans l’histoire qu’un pays cible ainsi volontairement des centrales nucléaires. ] , elles restent exposées à des tirs accidentels, comme cela s’est passé sur un site de stockage de déchets radioactifs à Kiev (sans rejet de matière radioactive, un coup de chance)

Alors que cette guerre démontre encore plus l’extrême dangerosité du nucléaire, des candidat.e.s  à l’élection présidentielle continue dans leur glorification de cette énergie mortifère.
Les centrales en temps de guerre peuvent devenir des armes de destructions massives, et avec les 15 réacteurs de ses 4 centrales, l’Ukraine est bien pourvue de ce côté là.
La France également et la montée des tensions ne peut que mettre l accent sur l’irresponsabilité de ceux qui veulent maintenir et développer la filière.

Communiqués du Réseau pour sortir du nucléaire

Sources

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